Bienvenue sur le site de la Confrérie des Scailtons de Bertrix
Sa devise : "Cracher le feu du museau et des trois fers"
Quelques informations sur notre association :
La Confrérie des Scailtons de Bertrix a vu le jour en août 1996 quand quelques nostalgiques et passionnés d'histoire locale ont voulu perpétuer le souvenir de ces courageux hommes de la nuit qui descendaient chaque jour dans la fosse pour y extraire l'ardoise. Un Scailton, en terme général, c'est un ouvrier qui travaille dans une ardoisière.
Les membres de la Confrérie des Scailtons tentent de rappeler à tout un chacun que les mines de schiste ou ardoisières étaient monnaie courante dans la région. Une vie dure dès le plus jeune âge, des extractions, dans des conditions difficiles et qui a coûté la vie à plus d'un. Cependant la fierté d'avoir été de ceux qui ont participé à ce dur labeur est immuable chez les quelques survivants. Depuis, Bertrix s'intitule la cité de l'Ardoise, et la mine visitable du "Coeur de l'Ardoise" en est la preuve.
Les buts de la Confrérie sont de défendre le partrimoine de Bertrix et principalement tout ce qui a trait aux ardoisières; de faire connaître Bertrix par ses produits anciens et de perpétuer ses traditions, d'épauler les manifestations tant artistiques que culturelles de Bertrix et de faire la publicité du Pays des Baudets lors de la participation des membres aux chaptires des autres Confréries.
La Confrérie des Scailtons de Bertrix défend les Patates aux Rousses, le Gozeau, la Moraipire et le Bleu des Scailtons (pour plus d'information consultez notre page "Produits")
Notre Chapitre a toujours lieu l'avant-dernier weekend de novembre.
- Texte du petit Robert. XIème Chapitre statuaire de la Confrérie à Bertrix le 21 novembre 2009 -
Si vous le voulez bien, remontons le temps, et que les imaginatifs, s’ils en éprouvent le besoin, ferment les yeux. Nous sommes le 3 décembre 1903 et il fait très froid.
Je m’appelle Robert et j’ai douze ans. Je travaille comme faugeleux à la Moraipire depuis presque deux années. Mon père, le Jean-Baptiste, travaille comme spartonneux dans la même mine. Moi, je ne descends pas, trop jeune, et puis… faut que j’apprenne. J’étudiais bien, l’instituteur était venu trouver mon père pour lui proposer de me mettre à l’école à Bertrix. Mon père a rétorqué qu’il était temps que je rapporte quelques sous à la maison. Une fois monsieur le Maître sorti, pour se donner une contenance, mon père lança :
- Ce n’est pas l’instituteur qui payera les traites de la maison, que je sache ! ».
Alors voilà, ce trois décembre, je pars avec mon père et quelques collègues d’Orgeo, il est six heures, il fait encore nuit et il gèle à pierre fendre.
- Tu pourras porter la lanterne, décrète mon père, et c’est toi qui marcheras en tête !
Triste privilège car, derrière moi, on ne cesse de me houspiller :
- Allez, avance, Bon Dieu, on arrivera jamais à l’heure !
J’ai les doigts gelés, le nez qui coule. Les adultes ne parlent plus, seul le crissement des pas sur la neige rythme la marche. Dans peu de temps, nous arriverons à l’ardoisière, j’empoignerai le balai pour débarrasser le sol de la baraque des fendeurs des déchets de schiste. Je repenserai aux petits matins quand mon père tousse à s’arracher les poumons puis la quinte passée il crachera dans son grand mouchoir à carreaux, ce sera noir, « mais c’est normal », dit-il.
Puis, après avoir exécuté les ordres de tout qui se trouve plus haut que moi, je réchaufferai les repas de ceux qui sont au fond. Les gamelles bougent en chauffant sur la vieille cuisinière qui ronronne dans la cabane des mineurs. Ça sent bon les patates aux rousses et le lard. Mais, ces fumets seront bien vite remplacés par l’odeur de tabac et cette habitude qu’ils ont prise en fin de repas, de faire des concours de pets, ça les fait rire, enfin…
Demain, c’est la Sainte Barbe, on mettra ses plus beaux habits et on partira en bande à Bertrix, on se retrouvera tous sur la place, les patrons, nous, les amis, les épouses. Nous irons à messe, les chants seront repris en chœur par tout le monde, ça nous donnera une fois encore la chaire de poule. Puis nous mangerons dans la grande salle. On se pourlèchera de pôstés tièdes et de café noir dans un brouhaha qui fera qu’on entendra à peine le Marcel et son violon. Maman se lèvera il faut traire notre vache, et donner la caboulé à Bebert notre cochon Avant de partir elle dira à papa, sans trop y croire :
- Ne rentre pas trop tard, et n’oublie pas le petit !
Car cette année et pour la deuxième fois, je reste avec les hommes! Les épouses parties, comme par enchantement, sortira des poches des vestes, la goutte, que nous les gamins avons achetée dans les épiceries autour de la Grand-Place, à la sortie de l’église. Je tenterai comme l’an dernier avec un gars de mon âge de fumer, et je penserai être un grand !
Comme tous les ans, Papa rentrera saoul, il me tiendra par l’épaule et, comme il l’a fait tout au long de l’année, pestera sur les patrons pourris qui ont essayé de diminuer les salaires, traitera de lâcheur mon oncle qui a quitté la mine pour travailler sur la nouvelle ligne de chemin de fer, mais il me fera jurer que je ne répèterai rien de ses confidences et de ces coups de gueule à la lune. Il s’écroulera sur le lit, maman mettra un seau à côté de lui et nous lui ôterons ses godasses en cuir qu’il ne rechaussera que pour la messe de minuit. Ma mère n’est pas fâchée, c’est la seule fois de l’année qu’il rentre dans cet état, alors.
Il ne faudra pas me bercer non plus, trop heureux d’avoir été admis dans le cercle des grands, quand Maman me posera délicatement un baiser sur le front, elle fera semblant de s’offusquer en disant :
- Mais tu n’aurais pas fumé, toi ?
Moi, je ferai comme si je dormais déjà profondément, en rêvant que dans deux jours ce serait la Saint Nicolas et que je mangerai que dis-je, je dégusterai lentement et pour la seule fois de l’année : Une orange !
C’était ça la vie de nos anciens, ici. Au pays de Bertrix.
Nous garderons donc dans un coin de notre mémoire, ces petites vies faites de rires et de pleurs qui ont forgé le caractère des gens d’ici !
JPE